Pyrénées-Orientales : une étude inédite calcule le recul des plages de la Côte rocheuse à l'horizon 2050
D'ici 2050, chaque commune de la Côte rocheuse catalane, entre Argelès-sur-Mer et Cerbère, aura au moins une plage où le trait de côte va reculer "significativement". La menace, c'est qu'en avançant sur le littoral, la mer recouvre les réseaux enterrés, avec le risque de voir les eaux usées se déverser dans la baie. Le Parc naturel marin du Golfe du Lion est en train de remettre aux élus les résultats d'une étude scientifique inédite, par son ampleur et sa méthodologie, afin d'anticiper les dangers.
C'est une première, à tous les égards : jamais auparavant avait été mené pareil exercice alliant observations satellite, sur le terrain, croisement avec des données remontant jusqu'en 1942 et calculs de prospective. Tout cela concentré sur l'évolution du trait de côte sur 40 km de littoral entre Le Racou et Cerbère. C'est tellement inédit que la méthodologie, établie localement pour les besoins de cette enquête, par les scientifiques du Parc naturel marin du Golfe du Lion et un bureau d'étude montpelliérain, pourrait ensuite être utilisée par d'autres parcs marins intéressés par les conclusions qu'elle offre.
Historiquement, l'évolution du trait de côte (la limite entre sable sec et sable mouillé) n'avait été évaluée que sur la côte sableuse. Mais de plus en plus se posait la question de l'impact des changements climatiques sur la Côte rocheuse également. En 2016, un premier état des lieux avait été tiré d'images satellites. En 2020 a été lancée une estimation de l'évolution de l'érosion sur la Côte Vermeille entre 1942 et 2019, avec l'appui d'images aériennes d'avant la Mission Racine. Les conclusions attestaient déjà que la Côte rocheuse était touchée, avec des dégâts sur les digues, les baladoirs, des chutes de blocs depuis les falaises, des escarpements côtiers, intervenant notamment lors des tempêtes et fortes houles. La tendance à la baisse des surfaces de plage n'était cependant pas significative à long terme, basée sur une dynamique lente et moins marquée que sur la côte sableuse. Avec une forme de "résilience", par l'action "rééquilibrante" de la tramontane.
Les gens ont tendance à oublier les coups de mer
En 2021, une enquête sur la perception de l'évolution des plages concluait que "la mémoire du risque est très court-termiste", avance le chargé de mission sur les aménagements maritimes du Parc marin, Grégory Agin. "Les gens ont tendance à oublier les coups de mer et à mémoriser les temps de plaisir sur la plage". L'organisme - émanation de l'Office Français de la Biodiversité -, décide alors d'aller plus loin dans l'analyse, afin de tabler cette fois sur des objectifs d'alerte de l'opinion publique et des élus.
26 plages de poche analysées individuellement sur 40 km de littoral
2023 sera donc l'année de l'étude prospective à échéance 2050 ! De nouvelles données, affinées, sur la période 2010-2020 sont assorties d'images satellite 2023 de très haute résolution, auxquelles sera appliquée une formule de calcul ad hoc intégrant les valeurs d'évolution du niveau de la mer prévues par les dernières actualisations du GIEC, et celles mesurées au XXe siècle... le tout modulé par la pente de la plage. Chacune des 26 "plages de poche" de la Côte rocheuse est analysée individuellement : l'Ouille, le Boramar, la Balette, Fontaulé, le Forat, l'anse de Peyrefite, Paulilles, Terrimbo, Porteils etc. Pendant 5 ans, quatre d'entre elles ont été minutieusement explorées sur le terrain - en bateau et à pied -, afin d'y mesurer régulièrement le volume de sable, cartographier les barres sédimentaires et autres mouvements des dunes sous l'eau. Ces observations topographiques "ont confirmé les données satellite", atteste l'expert du Parc marin, qui peut aujourd'hui affirmer avec certitude que "rien n'est immuable sur la Côte rocheuse, et si un coup de mer attaque les réseaux d'eaux usées, tout se déversera dans la baie", anticipe Grégory Agin.
Jusqu'à 1,60 mètre de recul par an, sur des plages de 40 à 50 mètres
De fait, sur chaque plage, les variations d'impact sont très irrégulières. Ainsi par exemple, sur l'une des trois plages de l'anse de Paulilles, certains endroits peuvent perdre 25 cm / an, quand un autre gagnera au contraire 4 cm dans la même période. Tout dépendra de la présence dans l'eau de pointements rocheux ou d'herbiers de Posidonie... "Au plus fort, les projections varient selon les points sur une même plage entre - 1,30 mètre et + 1, 60 m", détaille le chargé de mission. L'équipe a croisé ses résultats, marge d'erreur comprise, avec les cartes des réseaux fournies par les mairies. La tendance est sans appel : "Chacune des communes de la Côte rocheuse a au moins une plage où le trait de côte va reculer significativement d'ici 2050. Et malgré plusieurs incertitudes, il est certain que plusieurs plages auront des réseaux touchés, poursuit le responsable du projet, sauf à anticiper de les déplacer ou les protéger".
L'étude arrive lentement sur le bureau des élus de la communauté de communes Albères Côte Vermeille Illibéris. Libre à eux de se l'approprier et de demander à être accompagnés pour affiner année après année les nouvelles projections afin de lancer des travaux en anticipation.
Naissance d'un observatoire du littoral de la Côte rocheuse
Afin d'assurer le suivi de l'enquête sur l'érosion de la Côte rocheuse, et d'y associer un suivi de l'état de la falaise, la communauté de communes Albères Côte Vermeille Illibéris prépare d'ici quelques mois le lancement d'un observatoire du littoral de la Côte rocheuse. Une entité qui jusque-là n'existait que pour la côte sableuse. Le travail sur l'érosion de la falaise est très récent. L'observation a été menée par une équipe du Parc marin, partie en mer en septembre dernier, faire un recensement détaillé de l'état des falaises. Le bateau a ainsi longé la côte, à quelques mètres des parois et à faible vitesse, afin de repérer et photographier les dégâts. De nombreuses cicatrices, anciennes ou récentes, ont ainsi été repérées, ainsi que des éboulements. "En haut de la falaise, on les attribue à la pluie, le gel ou la sécheresse. En bas, ils sont la conséquence des tempêtes et de la houle", décrypte Grégory Agin du Parc marin. Elles apparaissent de manière homogène sur tout le littoral, avec une concentration sur le cap Béar. Sans pouvoir établir une corrélation certaine à ce stade, l'expert avoue "se poser la question du rapport entre ces encoches d'érosion et la sécheresse" de ces dernières années. Seule la poursuite des études permettra d'amorcer des réponses scientifiques.
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