Couiza se souvient : six otages sauvés par une femme

  • Lucien Faure et René Pech, deux des auteurs d'un ouvrage relatant l'épisode. Lucien Faure et René Pech, deux des auteurs d'un ouvrage relatant l'épisode.
    Lucien Faure et René Pech, deux des auteurs d'un ouvrage relatant l'épisode. Photos Guillaume
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L'Indépendant

Couiza : 17 août 1944. Une chape d'angoisse pèse sur huit cents habitants de la commune (à l'époque, elle en compte à peu près mille). Ils sont regroupés en rangs serrés, depuis le carrefour qui mène à Rennes-les-Bains jusqu'à la place Sainte-Anne.

Il y a surtout des femmes, des enfants, des adolescents ; des hommes aussi mais beaucoup d'entre eux sont absents car ils travaillent. Ils n'ont donc pas été raflés. Les Allemands ont laissé chez elles les personnes âgées.

Toute une foule est donc rassemblée : aucun moyen de fuir. Sept nids de mitrailleuses de l'armée allemande les tiennent en joue. Les soldats appartiennent à un détachement de la caserne Laperrine, à Carcassonne.

En se rendant à Montazels (lire encadré ci-contre), il a été attaqué par des maquisards. Et l'heure est aux représailles. Avant de repartir vers la cité préfectorale, le commandant de la colonne a ordonné à J.-Baptiste Bieules, le maire, de réunir la population.

Motif : que quatre personnes se portent volontaires pour servir de boucliers humains sur le trajet du retour. Le commandant a déjà désigné d'office deux otages : le maire et le curé doyen de Couiza, l'abbé Seigné.

Pas de volontaires

Trois hommes n'ont jamais oublié cette journée. Afin que son souvenir ne se perde pas, ils ont rédigé un document, inédit, intitulé "La journée des otages". Ils l'ont légué aux Archives départementales et communales. Les auteurs se nomment J.-Pierre Robert, René Pech et Lucien Faure. Le 17 août 1944, ils étaient âgés respectivement de 6, 13 et 11 ans. Eux aussi étaient dans la foule, la peur au ventre.

"Je tenais la main de mon père, Edouard Pech, adjoint au maire", confie René. "M. Bieules était à ses côtés. Il a expliqué aux Couizanais ce que les Allemands voulaient. Personne ne s'est porté volontaire... Les arguments ? Père de famille nombreuse, métier utile à la population... Un homme a même dit 'Moi, j'ai déjà donné en 14'..."

Le maire s'est alors tourné vers mon père en lui demandant : "Et vous, Edouard, m'accompagnerez-vous ?" Mon père a répondu 'oui'. Aussitôt, trois autres hommes se sont désignés sans hésiter : MM. Embry, Grillet et Vié".

Les six otages, mains entravées, sont immédiatement embarqués dans un fourgon. Le commandant prévient : "Si nous ne sommes pas attaqués, ils seront libérés". Or, selon Lucien Faure et René Pech, le maquis savait qu'il y avait des otages. Et une embuscade a quand même été dressée. Conséquence : "Le commandant a fait savoir que les six otages seraient pendus à l'intérieur des lices, dans la Cité de Carcassonne".

Massacre évité

Heureusement, ce massacre n'aura jamais lieu grâce à une femme : Mme Roussille, la présidente de la Croix-Rouge, à Alet-les-Bains.

Avec Roger Paulin, son frère, de même qu'avec des médecins audois, ils ont porté secours aux maquisards et aux soldats allemands blessés lors des deux fusillades (la Croix-Rouge soigne tous les belligérants).

Mme Roussille va faire le siège du bureau du commandant, à Carcassonne... Toute la journée ! Finalement, le commandant cède et il libère les otages. Ceux-ci remercieront chaudement leur bienfaitrice.

Edouard Pech lui enverra même ses voeux de Nouvel an chaque 1er janvier.

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