Harcèlement scolaire : le département de l'Aude détaille ses actions menées dans les collèges
Face à la multiplication des cas de harcèlement dans les établissements scolaires, Sébastien Gasparini, vice-président délégué à l’Éducation au conseil départemental, explique les actions menées dans les collèges de l’Aude dont il a la charge. Entretien.
L’adjoint au maire d’Ornaisons ne pratique pas la politique de l’autruche quand on évoque avec lui le harcèlement dans les collèges. Le vice-président du Département qu’il est non plus. Entretien.
Les cas de harcèlement sont détectés sur et par des adolescents ou des enfants de plus en plus jeunes. Autrefois fréquents au lycée, ils semblent plus nombreux aujourd’hui dans les collèges, dont le Département a la charge, voire dans les écoles. Quel est le constat que vous dressez ?
Notre collectivité et tous les Départements en sont conscients, mais il y a aussi les observations de l’Éducation nationale qui révèlent que la strate la plus impactée par le harcèlement, c’est d’une part les collégiens, mais aussi les primaires. Cela commence dès le CE2 et il y a déjà des cas révélés. On parle d’un jeune sur cinq à un sur dix, selon les enquêtes. Ce phénomène prend des ampleurs dramatiques et nous sommes souvent au-delà de l’impact psychologique.
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Comment le Département peut-il agir ?
Dans les compétences qui sont les nôtres déjà. Tout ce qui est du ressort de l’enseignement, de l’encadrement ou de la discipline est du ressort de l’Éducation nationale, nous, ce sont plutôt le bâti scolaire, la restauration, l’entretien et le fonctionnement des bâtiments. Néanmoins, bien avant ces phénomènes, nous menons des actions pour sensibiliser, prévenir, informer et donner des clés aux jeunes pour éviter ce genre de situation. L’offre éducative que nous proposons aux établissements est sur toutes ces thématiques car la base du harcèlement est la discrimination. Handicap, origine, physique, religion… peuvent entraîner des répercussions.
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Nous avons mené 39 projets dans les 28 collèges de l’Aude depuis la rentrée
Quelles sont les actions que vous menez auprès des collégiens ?
Dans le cadre préventif qui est le nôtre, notre objectif est de libérer la parole, déconstruire des stéréotypes… Sur l’année scolaire en cours, nous avons mené 39 projets sur toutes les thématiques que j’ai évoquées dans les 28 collèges de l’Aude, souvent par le biais de l’intervention d’associations spécifiques. Les élèves participent à des ateliers à travers du théâtre, des ateliers audiovisuels, des rappels sur l’engagement citoyen, la laïcité (qui est une loi de libertés et non d’interdictions), de la sensibilisation à la lutte contre les discriminations et l’homophobie, le sport pour tous avec une sensibilisation au Handisport, le cyberharcèlement avec Acti City, notre partenaire, etc. Voici tout ce que nous proposons gratuitement aux établissements.
Tout ceci ne peut se faire que sur la base du volontariat des jeunes. Est-ce suffisant ?
Ces dispositifs sont gratuits et nous sommes dans la limite de l’exercice. Les actions n’ont pas vocation à tout résoudre, mais ça peut éviter quelques situations. Nous sommes aussi dans l’accès aux droits, une instance que nous partageons avec la préfecture et le ministère de la Justice. Cette année, cela s’est concrétisé par des théâtres forums à destination des collégiens sur le harcèlement scolaire. Le ministère vient apporter des éclairages juridiques et éventuellement répressifs.
Les réseaux sociaux n’aident jamais dans ces cas. Qu’en pensez-vous ?
Ils sont un amplificateur. Nous ne sommes pas en première ligne, c’est souvent l’Éducation nationale et nous travaillons main dans la main pour être facilitateur, proposer des actions complémentaires. Tout cela est perfectible bien sûr et nous sommes hélas confrontés au mur des moyens alloués. Il faudrait du personnel formé pour accueillir cette parole et en faire bon usage. Il manque des surveillants, des médecins scolaires, des psychologues pour ne pas que des situations dégénèrent ou au moins que les élèves qui commencent à être victimes puissent avoir un espace d’échange et de prise en charge. Il y a un vide dans les établissements.
C’est un vide difficile à combler quand on sait que la parole est souvent libérée de pair à pair et que les enfants ont du mal à se confier aux adultes… La Région a fait des ambassadeurs du harcèlement dans les lycées, mais cela ne paraît difficile dans les collèges. Qu’en pensez-vous ?
C’est compliqué. Il y a des expérimentations dans des départements où des médiateurs (peut-être pendants des ambassadeurs dans les lycées) qui permettent déjà de repérer des situations d’urgence. Les surveillants, en proximité, peuvent aussi voir l’isolement, les difficultés. Ces dernières années, les faits rapportés augmentent aussi face à la libération de la parole et c’est tant mieux. Avant, peut-être le disait-on moins… La sensibilisation des personnels de l’Éducation nationale n’y est sûrement pas étrangère. On voit les chiffres monter, c’est vrai, mais il faut aussi souligner la sensibilité des collégiens face au harcèlement. Je le vois partout chez les délégués. Cela revient systématiquement et c’est ancré dans leur tête, même dans les collèges en zone rurale. En tout cas, partout, mais à Narbonne et Carcassonne surtout, nous essayons de mixer la sectorisation avec les villages pour éviter des phénomènes qui favorisent l’appréhension de la différence.
Puisque la tenue vestimentaire qu’elle soit ostentatoire, décalée ou genrée est source de harcèlement, êtes-vous de ceux qui militent pour le retour à l’uniforme au collège ?
Mon avis d’élu est surtout que cette histoire est un miroir aux alouettes pour gommer les inégalités. Quand on parle de ça, on ne parle de sujets plus importants dont la question des moyens. Il faut d’abord donner à tous les élèves les mêmes chances de réussir. Sur l’Aude, nous avons eu une carte scolaire qui va fermer 19 classes et va commencer à faire de l’inégalité dans l’accès à l’éducation. Nous avons aussi des problèmes de professeurs non remplacés… Une fois que l’on aura résolu tout ça, on pourra peut-être en reparler.
D’autant qu’il faudra aussi prévoir les mêmes chaussures pour tous, empêcher de porter des bijoux…
Oui, ceux qui souhaitent montrer des signes extérieurs de différenciation ne seront pas empêchés et le feront par d’autres biais. Ça ne supprimera pas les inégalités et cette mesure reste avant tout populaire et populiste.
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