Débat Viviane Thivent-Frédéric Rouanet : l’enjeu du manque d’eau dans l’Aude
La responsable départementale des Écologistes et le président du Syndicat des vignerons ont échangé autour de la gestion de ce bien de plus en plus rare. Un diagnostic identique, mais des solutions parfois divergentes.
Frédéric Rouanet profite du débat pour faire une mise au point. "On a besoin d’eau non pas pour produire plus, mais pour maintenir le végétal", insiste-t-il, soulignant la nécessité de capter l’eau là où il y en a. "En France, on ne récupère que 6 à 7 % d’eau de pluie, contre 90 % au Chili. Alors s’il y a besoin pour irriguer de creuser des retenues collinaires aux endroits où c’est le mieux écologiquement, je ne vois pas où est le problème." Et de conclure : "Quand un vigneron a travaillé ses terres toute sa vie et perd tout faute d’avoir pu conserver l’eau, je trouve ça nul".
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Viviane Thivent relativise cependant cette solution. "Des retenues, il y en a déjà dans le département. Or on a déjà enregistré de la sécheresse depuis le début de l’année, et on sait que le phénomène va plus vite qu’on ne l’imaginait, avec des épisodes très violents. Du coup, je ne vois pas l’intérêt de créer des retenues collinaires qui resteront vides". Frédéric Rouanet lui rétorquera que "vous avez du mal à comprendre qu’on vit de ça tous les mois", affirmant qu'"il finira par pleuvoir, très fort", et qu'"à ce moment-là, stocker cette eau sera un vrai enjeu". "Certaines exploitations auraient au moins pu sauver leur vigne l’an dernier si elles avaient pu irriguer, ce qui leur aurait permis de prévoir une récolte cette année", déclare-t-il.
Ou on donne aux agriculteurs l’opportunité de se diversifier, ou ils se cantonnent à ce qu’ils savent faire et mourront à petit feu
En attendant que des cépages plus résistants à la chaleur prennent le relais (ce qui prendra beaucoup de temps), Viviane Thivent souligne qu’il faudra nécessairement s’habituer (comme depuis au moins deux ans) à un drastique partage de la ressource. Elle et Frédéric Rouanet s’accordent sur le fait que "la priorité, c’est boire, manger et lutter contre les incendies". Et si la responsable écologique prioriserait "l’agriculture vivrière plutôt que la viticulture", elle estime que la filière dans son ensemble devrait être davantage soutenue face à ces bouleversements radicaux. "Le changement climatique, vous allez le prendre en pleine face. Les dirigeants doivent être conscients de cette réalité, et de ce que vous faites." En attendant, Frédéric Rouanet note que certains besoins en eau sont immuables, et pas seulement à l’échelle des agriculteurs. "Les quantités d’eau nécessaires ont été pensées, calibrées pour une population, des besoins. On ne peut pas tout prêter, partager. J’ai vu des camions-citernes acheminer de l’eau à certaines communes, mais je n’ai pas vu de village donner de l’eau à son voisin. Car chacun en a besoin !"
Devant cette nouvelle réalité climatique, Viviane Thivent considère qu’il est "obligatoire d’adapter l’agriculture et les modes de vie". La "seule solution" à ses yeux. Inconcevable pour le président du Syndicat des vignerons. "Si je dois arrêter la vigne, j’arrête le métier. Je suis vigneron, je n’ai rien appris d’autre, et je tiens à ce que mon exploitation reste viticole." "Ou on donne aux agriculteurs l’opportunité de se diversifier, ou ils se cantonnent à ce qu’ils savent faire et mourront à petit feu", répondra Viviane Thivent. Mais pour Frédéric Rouanet, le rôle économique de la vigne perdurera dans l’Aude : "Notre département est pauvre, il n’attirera pas de grosses industries ; cette agriculture fait partie de notre histoire, et il faut préserver les ressources suffisantes pour la conserver".
Les circuits courts : une source d’accord, mais…
Mondes agricole et écologique sont évidemment favorables à ce que les produits d’ici soient privilégiés localement, qu’il s’agisse de cantine ou de repas à domicile. "On pense bien sûr à sécuriser l’activité de nos agriculteurs, note Viviane Thivent. Après, il demeure des problèmes techniques importants car il faut des légumeries, des cuisines centrales…"
"Il est toujours plus facile de recourir à l’industriel", constate Frédéric Rouanet. Le leader agricole note cependant que les circuits courts ne régleront pas tout : "Ça n’est qu’un marché parmi d’autres, et il peut y avoir des soucis de volumes. Je pense toutefois que le circuit court se développera tout seul, car les agriculteurs en ont marre d’envoyer à la grande distribution des palettes entières de produits qui se perdent".
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