Face aux défaillances d'entreprises, le tribunal de commerce de Narbonne déploie le tapis rouge

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  • Jean-Pierre Cassan, président du tribunal de commerce : "Il faut venir nous voir avant qu'il ne soit trop tard".
    Jean-Pierre Cassan, président du tribunal de commerce : "Il faut venir nous voir avant qu'il ne soit trop tard". Independant - CHRISTOPHE BARREAU
Publié le , mis à jour

Le bilan arrêté fin avril 2024 établi par le tribunal de commerce enregistre 35 liquidations judiciaires. Pour éviter de sombrer dans le rouge, Jean-Pierre Cassan, le président, met l'accent sur la prévention, multipliant les conseils. Rencontre. 

Si la tendance nationale est à l’augmentation du nombre de faillites d’entreprises, avec un taux de 27 % entre 2023 et cette année à la même date, il n’en est pas de même pour le ressort de Narbonne. Les chiffres arrêtés au 15 avril ne sont pas alarmistes, avec 37 faillites l’an dernier pour 41 procédures collectives en 2024 : 35 liquidations directes et 6 redressements judiciaires soit 80 % de liquidations. "On suit la même tendance, confirme Jean-Pierre Cassan, le président du tribunal. Ce qui est regrettable, c’est que les chefs d’entreprise qui se présentent à la barre du tribunal de commerce passent directement, pour 80 % d’entre eux, à la faillite judiciaire."

Les professions les plus touchées restent l’hôtellerie-restauration, le bâtiment et le gros œuvre, le petit commerce et l’immobilier. Si les années Covid avaient enregistré une forte baisse en 2020 et 2021, on est sur un rattrapage normal. "Cela va continuer, même si on sent une stabilisation. Pour Jean-Pierre Cassan, "le "quoi qu’il en coûte" de Macron a aidé les entreprises : les Prêts Garantis par l’État ont été distribués de façon abondante pour sauver l’économie française ; sur l’ensemble des dossiers PGE, seuls 5 % ne sont pas payés. C’est une proportion plus faible par rapport à ce qu’on pensait au départ. Une infime partie de ceux qui ont contracté ces prêts ont demandé la prorogation de 5 à 10 ans".

Les années d'après Covid

Les procédures collectives ont afflué depuis six mois, date à laquelle la direction générale des finances publiques et l’URSSAF ont commencé à se rappeler auprès de leurs débiteurs, pour des opérations gelées au moment de la pandémie. "Les débiteurs qui devaient de l’argent en 2019 doivent le rembourser maintenant, ce qui cause des difficultés, malgré le soutien PGE."

Les prochains mois s’annoncent meilleurs. Avec un produit intérieur brut au 3e trimestre 2023 à 0,1 %, on l’estime à la fin de ce 1er trimestre 2024 à 0,2 %. Les taux d’intérêt commencent à baisser, ce qui est encourageant : "Cela prouve que la situation s’améliore avec une consommation qui repart à la hausse et une inflation qui a diminué tombant de 4 à 2,9 %. Les prévisions tablent sur une baisse après l’été. On s’attend à une reprise de la consommation des ménages. Aujourd’hui, certains fournisseurs ont accepté de baisser leurs marges". Jean-Pierre Cassan se veut optimiste : "Je le suis naturellement ! Mais nous sommes à la merci de la situation géopolitique internationale avec ses répercussions chez nous. On a vu le coût de l’énergie flamber dès le début de la guerre en Ukraine. Comment voulez-vous qu’un boulanger s’en sorte avec une facture multipliée par 5 ?"

Priorité du tribunal de commerce : la prévention

"Si l'on ne s’occupe pas en amont de la fragilité des entreprises, il est trop tard lorsqu’elles se présentent à nous." Le tribunal affiche donc la prévention comme l’une de ses priorités depuis deux ans. Mais le manque d’information est un écueil. "Nous nous heurtons à la confidentialité de mise chez les experts-comptables et dans les banques."

Le président du tribunal a contracté divers organismes et passé des conventions. "J’ai rencontré le président de l’Ordre régional des experts-comptables, ils vont être formés. Nous avons des outils de prévention : nous pouvons nommer un conciliateur, un mandataire ad hoc qui suit l’entreprise, nous pouvons évaluer les risques et prévenir les faillites."

Autre écueil : le chef d’entreprise est réfractaire… "Quand on lui parle du tribunal, il a honte d’en arriver à une telle situation et ne vient pas nous solliciter." De son côté, le tribunal envoie des convocations, notamment aux dirigeants qui n’ont pas déposé les comptes auprès du greffe. "Nous avons relancé 600 entreprises dans ce cas cette année. C’est une suspicion. On constate également une augmentation des injonctions de payer depuis le début de l’année. Nous pouvons, dans le cadre du contentieux, nommer un conciliateur. 50 % des dossiers présentés sont conciliés."

Le président a multiplié les réunions dans les organisations professionnelles, les fédérations, les mairies, les communautés de communes, à l’agglo pour faire passer son message. Car celui-ci le déplore : "La réalité, ce sont les chiffres qui la donnent : 94 % des faillites sont des PME de moins de 10 salariés ! On ne doit pas se tromper de cible ! En 2023, 65 dossiers de prévention ont été montés. C’est trop peu ! I il faut légiférer pour lever la confidentialité qui nous prive des informations essentielles pour prévenir ces faillites". 

Par ailleurs, le tribunal de commerce œuvre étroitement avec l’association l’APESA, qui prend en charge l’accompagnement psychologique des dirigeants en détresse. Ils ont droit à des consultations gratuites. En 2023, 23 signalements à l’APESA ont été faits par le tribunal de commerce de Narbonne qui travaille également avec l’association "60 000 rebonds", pour aider les dirigeants à trouver un emploi ou monter une entreprise.

Jean-Pierre Cassan le martèle : "Nous ne sommes pas un tribunal qui sanctionne, c’est un service que nous offrons. Le dirigeant doit se mettre sous la protection du tribunal de commerce".

Les signaux rouges avant la catastrophe

Des clignotants s’allument… avant la défaillance d’une entreprise. Il faut savoir les éviter et être attentif au moindre signe et, bien sûr, éviter le cumul. Ils sont : la baisse d’activité sur la dernière année, le résultat négatif, le marché en récession, les problèmes de règlements des clients, l’obligation de demander des délais aux fournisseurs, les relations dégradées avec les banquiers, les chèques émis… impayés, le découvert bancaire, l’accès à la médiation au crédit, le retard dans le paiement de l’expert-comptable ou de l’assureur, dans les cotisations sociales, dans les déclarations de TVA, dans le paiement du loyer du local. Il peut y avoir eu dans un passé récent des demandes de reports d’échéances fiscales ou sociales, un redressement fiscal, le retard du dépôt de plus d’un an des comptes au greffe du tribunal… Le dirigeant qui cumule certaines de ces situations doit prendre rendez-vous en urgence au service de la prévention du tribunal de commerce. Utile et entièrement gratuit. 

prevention@greffe-tc-narbonne.fr ; tél. 04 68 32 01 76.

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Les commentaires (1)
Gigihihi Il y a 11 jours Le 07/05/2024 à 12:12

Chef d'entreprise ou patron ne s'improvise pas . C'est un métier et des capacités qui pourraient être enseignées à l'école....hélas, la France apprend des maths algébriques mais pas d'établir un bilan !!