"C’est très joli", "Elle a pleuré pour ne pas le mettre" : premier jour d’école avec l’uniforme à Perpignan
Ce lundi 22 avril 2024, plus de 600 enfants inscrits au groupe scolaire d’Alembert à Perpignan ont porté pour la première fois leur tenue uniforme. Vu la fraîcheur de cette mi-avril dans les Pyrénées-Orientales tous avaient opté pour l’habit le plus chaud : le sweat. Des enfants aux réactions bien différentes en fonction des âges. Généralement, quand la pré-adolescence éclôt les exigences vestimentaires aussi. Ambiance.
Les yeux de certains sont encore à demi clos quand les premiers élèves du groupe scolaire d’Alembert se sont présentés devant leur établissement ce lundi 22 avril 2024, quartier Saint-Assiscle. Ce retour de vacances de printemps est inhabituel puisqu’ils font face à une horde de journalistes et d’élus venus observer… leur tenue. Car, pour la première fois, ils arborent la tenue uniforme, une expérimentation gouvernementale pour laquelle Perpignan s’est portée candidate. Mais, en cette journée très rafraîchie d’avril, les enfants sont chaudement emmitouflés dans des manteaux ou doudounes. Impossible donc de distinguer la tenue. Car cet uniforme n’en est pas vraiment un. Les maternelles ont deux chasubles et les primaires ont deux tee-shirts, deux polos manches courtes et un sweat.
Mais qu’en pensent-ils ces bouts de chou ? Chez les plus petits, le sweat bleu marine a été enfilé sans grande difficulté. Kalyah, 7 ans, le trouve "très joli et confortable". Sa copine assure même : "C’est tout doux et en plus il y a marqué Perpignan dessus", déchiffre-t-elle syllabe par syllabe en scrutant le blason de sa camarade, sans Saint-Jean Baptiste laïcité oblige.
Mais qu’est-ce qu’elle pleurait ! Vous ne vous rendez pas compte la guerre que ça a été. Le sketch a commencé dès dimanche soir
Passé un certain âge, quand la préadolescence commence à poindre, les avis mode sont beaucoup plus tranchés. "J’aime pas, c’est trop nul et le logo il est pas ouf", boude Idriss, 9 ans. Syhana, 8 ans, n’est pas fan du bleu marine : "Ça fait garçon, et c’est trop grand".
Si des bambins rechignent pour la forme, certains ont fait vivre à leurs parents, la veille ou le matin même, de véritables mélodrames vestimentaires. Noura, maman d’une jeune fille de 11 ans, témoigne : "Mais qu’est-ce qu’elle pleurait ! Vous ne vous rendez pas compte la guerre que ça a été. Le sketch a commencé dès hier soir (dimanche). Et des Je ne veux plus jamais y aller ou encore des Mais cette couleur ça ne va avec aucun de mes bas. J’ai dû batailler sévère. C’est sa dernière année de primaire, j’espère que l’uniforme ne sera pas imposé au collège, sinon à 13 ou 14 ans, elle va me faire vivre l’enfer !" Noura a d’autant insisté qu’elle est favorable au port d’un uniforme qui gommerait les principales différences entre les élèves. "Mais, pour ça, il faut le bas ! Parce que, là, comme tout le monde peut mettre le jean et les chaussures qu’il souhaite, ça ne change pas grand-chose".
Un avis totalement partagé par Jennifer, maman de deux fillettes de 7 et 10 ans. "Soit c’est toute la tenue qui est identique, soit on ne fait rien. Parce que là ça n’a pas forcément grand intérêt. On dépense des sommes astronomiques pour leur acheter des jolies tenues et on les envoie avec qu’une seule partie". "La mairie de Perpignan n’avait pas assez d’argent pour confectionner le bas", ironise un parent d’élève.
Louis Aliot concède que les coûts de fabrication sont élevés : "Pour cette phase expérimentale nous avons dû répondre à un marché de manière assez rapide. Les tenues sont fabriquées en Turquie et la scénographie est faite en France. Si on passe par du fabriqué français, le coût augmente de deux tiers. Et on ne parle que du haut de la tenue. Si l’expérimentation s’avérait concluante, l’État pourrait en profiter pour relancer le Made in France".
Des chercheurs vont observer les conséquences du port de l’uniforme
Anne-Laure Arino, inspectrice académique et directrice des services départementaux de l’Éducation nationale des Pyrénées-Orientales (IA-DASEN) a indiqué qu’une équipe dédiée à l’observation de l’expérimentation de la tenue uniforme va être mise en place au niveau national. Des chercheurs vont analyser les effets de l’uniforme sur la réussite scolaire et sur le climat scolaire.
"L’équipe éducative est volontaire pour porter cette tenue"
Marie-Laure Rius, la directrice de l’école D’Alembert 1, volontaire pour participer à cette expérimentation assurait que l’équipe éducative souhaiterait, elle aussi, être dotée de ce nouveau sweat : "Comme pour les enfants, cela développe le sentiment d’appartenance au groupe. Le peintre enfile sa tenue pour devenir peintre, l’enfant enfile son uniforme pour devenir élève. Et l’équipe éducative s’est montrée volontaire pour l’obtenir".
"J’estime que l’argent pour les écoles aurait dû être utilisé pour du plus urgent"
La secrétaire départementale du SE-Unsa, Nadia Alram, émet toujours de nombreuses réserves quant à cette expérimentation sur l’uniforme. Elle détaille : "On respecte le choix des collègues de d’Alembert et je leur souhaite que l’expérimentation soit réussie. Moi, j’y vois plus d’inconvénients que d’avantages car cela représente un coût. À Perpignan, le budget pour les écoles est très serré. Quand je vois l’état de vétusté dans certains établissements, dont d’Alembert 1 et 2, j’estime que l’argent pour les écoles aurait dû être utilisé pour du plus urgent. Par exemple, pour augmenter le nombre de toilettes et de points d’eau, revoir les accès pour les personnes à mobilité réduite ou encore investir dans le matériel pédagogique. Les nouveaux programmes vont nécessiter l’achat de matériel de manipulation en mathématiques. C’est un coût de 10 à 30 euros par élève, cela me semble assez urgent"
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