Biographie - Jean Cau, l’Audois réfractaire

  • « Jean Cau, l’indocile » de Ludovic Marino et Louis Michaud, Gallimard, 21,50 € « Jean Cau, l’indocile » de Ludovic Marino et Louis Michaud, Gallimard, 21,50 €
    « Jean Cau, l’indocile » de Ludovic Marino et Louis Michaud, Gallimard, 21,50 € Gallimard
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Ce fils d’ouvrier agricole audois a conquis les intellectuels parisiens dans le sillage de Sartre. Puis il les a vomis avec une rare méchanceté. Tel était « Jean Cau, l’indocile », sorti de l’oubli dans une nouvelle biographie. 
 
 

Né à Bram, enterré à Carcassonne, Jean Cau est le seul Audois à avoir remporté le prix Goncourt. C’était en 1961 avec La Pitié de Dieu paru chez Gallimard. Cet écrivain, surtout connu par ses articles polémiques quand il était journaliste à Paris Match, est un pur produit de l’école de la République.

C’est ce que rappelle dès les premières pages cette nouvelle biographie signée par Ludovic Marino et Louis Michaud. Issu d’un milieu excessivement modeste, son père a été ouvrier agricole dans le Lauragais puis homme à tout faire dans un hôtel de Carcassonne, sa mère simple femme de ménage, le jeune Cau a été repéré par son instituteur. Lycée, bac puis direction khâgne à Paris.

Mais il ne deviendra pas professeur. Trop attaché à la liberté. Il a aussi le désir de vivre de sa plume. Devenir écrivain pour multiplier les vies, les expériences. « Je me résignai définitivement, lorsque je compris que la littérature se suffisait à elle-même et que c’était elle, l’aventure, et pour un écrivain la vraie et profonde. » Une sacrée revanche pour le petit Audois moqué pour son accent rocailleux.

Un accent qu’il conservera, fier de ses origines. Les auteurs y voient les raisons de son intransigeance : « Cet orgueil, d’une terre si dense et d’une origine si marquée, Jean Cau s’y référa toute sa vie. Il lui attribue la source de sa pensée, et de son caractère. La longue lignée audoise et paysanne de sa famille, motive sa fierté et fonde sa morale. » Loin de sa famille, le jeune homme découvre l’indépendance dans ce Paris qui se réveille après les années d’occupation. Il doit absolument trouver un travail pour accomplir son but. Il se propose comme secrétaire à tous les écrivains de la place, de Montherlant à Mauriac en passant par Sartre. Et c’est ce dernier qui lui répond et l’engage.

Jean Cau, de 1946 à 1957, va être au plus près de l’intellectuel qui va révolutionner la pensée de gauche. Cau sera de toutes les soirées, de tous les débats, aura un bureau chez Gallimard dans les locaux réservés à la revue Les Temps modernes et va rapidement faire le nécessaire pour être publié. Il n’a que 23 ans quand sort Le fort intérieur, un recueil de poésies.

Quelques mois plus tard sort son premier roman, Maria-Nègre. Le premier d’une longue série dont le fameux prix Goncourt en 1961. Catalogué comme intellectuel de gauche durant plusieurs décennies, Jean Cau ne se reconnaît plus dans cette gauche d’intellectuels, toujours issue de milieux sociaux favorisés. Des bourgeois honteux qui veulent défendre ouvriers ou colonisés comme pour se déculpabiliser.

Lentement mais sûrement, Jean Cau change de camp, devient ouvertement gaulliste, fustige le gauchisme, rompt avec ses anciens amis et se rapproche de plus en plus de la droite nationaliste. Dans les années 70, il met sa plume au service de Paris Match, multipliant les reportages coup de poing. Il signe aussi des livres analysant cette décadence de l’Occident qu’il regrette mais estime inéluctable. C’est la dernière image qu’il laissera, celle d’un réactionnaire pur et dur.

Si Jean Cau était toujours de ce monde, il aurait certainement antenne ouverte sur CNews et une chronique dans le Journal du Dimanche, version Bolloré.


« Jean Cau, l’indocile » de Ludovic Marino et Louis Michaud, Gallimard, 21,50 €

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Les commentaires (1)
Anonyme56758 Il y a 11 jours Le 22/04/2024 à 10:21

Un esprit lucide, trop droit pour se tromper indéfiniment avec Sartre et le conformisme de la bourgeoisie de gauche.